Ce texte fait partie du cahier spécial Fierté Montréal
« On dit souvent que les personnes qui ne sont pas adultes sont plus influençables, plus vulnérables et donc qu’il faut les protéger. Que ce soit pour des raisons idéologiques ou pour des convictions politiques, certains vont considérer que notre existence porte atteinte à l’équilibre du monde », indique James Galantino, directeur général du Conseil québécois LGBT. Une façon efficace de rallier les gens à ce discours passe notamment par l’argument selon lequel ils doivent « défendre » leur enfant, susceptible de se faire « convertir », ajoute-t-il. « Malheureusement, c’est une tactique qui fonctionne bien et qui pousse la population à se mobiliser contre nous, bien qu’elle soit basée sur de fausses informations. »
Les organismes LGBTQ+ sont pourtant catégoriques : les enfants à protéger, ce sont ceux qui transitionnent ou qui se questionnent par rapport à leur identité de genre. Selon l’Enquête canadienne sur la santé des jeunes trans et non binaires publiée en 2020, 66 % de ces jeunes ont été victimes d’intimidation ou de ridiculisation au cours de l’année précédente. « Ces enfants-là, si on ne les écoute pas ou qu’on ne les amène pas vers les bons professionnels de la santé, ils vont grandir en développant des problèmes comme de l’anxiété, du stress ou une faible estime d’eux-mêmes », soutient Victoria Legault, directrice générale de l’organisme Aide aux trans du Québec (ATQ).
Au sein des écoles, les jeunes trans et non binaires font encore aujourd’hui l’objet de moqueries ou d’intimidation par leurs pairs. Au Québec, 43 % des élèves LGBTQ+ rapportent s’être sentis malheureux ou déprimés à cause d’un environnement hostile dans leur établissement scolaire, selon une étude réalisée en 2020 dans le cadre du projet de recherche SAVIE-LGBTQ. « Souvent, les jeunes ou les familles qui veulent prendre la parole hésitent à le faire publiquement par peur de backlash. Ils se tournent alors vers des méthodes de dénonciation plus anonymes, mais qui ont moins de portée », souligne James Galantino.
Accompagner dans l’exploration de genre
La peur de la détransition entraîne aussi une forte résistance par rapport à la question des soins de réaffirmation de genre. Pourtant, d’après un rapport de 27 études menées auprès de quelque 8000 personnes ayant eu ce genre d’opération en Europe, aux États-Unis ou au Canada, seul 1 % des répondants expriment des regrets temporaires ou persistants. À l’inverse, la science montre que ces soins contribuent à diminuer radicalement le risque de dépression et de tendances suicidaires chez les jeunes. « On ne demande pas que n’importe quel mineur puisse obtenir des hormones du jour au lendemain. Ce qu’on veut, c’est que chaque enfant soit accompagné, et qu’après une évaluation par un professionnel de la santé compétent dans ce domaine, il ait accès aux soins appropriés pour lui », soutient la directrice générale d’ATQ.
Outre la simple protection des enfants trans et non binaires, la célébration de leur existence est tout aussi essentielle, rappelle Gen Ste-Marie, qui occupe la direction générale de TransEstrie. « Il faut plus d’initiatives pour donner une voix à la jeunesse. On ne laisse pas assez la parole à ceux pour qui la transition fonctionne, qui sont bien dans leur peau, qui sont épanouis. » À ses yeux, ces derniers sont assez politisés et instruits pour s’exprimer de façon claire et forte sur ces questions.
Fierté Montréal tiendra d’ailleurs un panel le 4 août prochain afin d’offrir une plateforme à de jeunes leaders trans qui parleront de leur expérience et de leurs espoirs d’un avenir plus inclusif. « Il faut arrêter de voir l’exploration de genre comme étant quelque chose qu’on ne souhaite à personne ou qui est problématique, fait valoir Gen Ste-Marie. C’est un cheminement qui peut aussi nous aider à mieux identifier les inégalités et les stéréotypes de genre. »
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