Un jeune sur cinq a reçu un diagnostic de trouble anxieux en 2022-2023, tandis qu’un sur quatre présentait un trouble du déficit de l’attention. C’est entre autres ce qui ressort de l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire, publiée mercredi par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), qui montre une tendance à la hausse de ces problèmes de santé mentale sur un peu plus d’une décennie.
La proportion de jeunes du secondaire ayant reçu un diagnostic de trouble anxieux a bondi de 11 points de pourcentage en 12 ans au Québec. En 2010-2011, 9 % des élèves du secondaire en souffraient. En 2016-2017, cette proportion avait grimpé à 17 %, avant d’atteindre 20 % six ans plus tard.
En ce qui a trait au trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/TDAH), 13 % des jeunes en étaient affectés en 2010-2011. Ce chiffre est passé à 23 % en 2016-2017, puis à 25 % en 2022-2023.
Les garçons sont davantage affectés par les troubles de l’attention (29 %) tandis que les filles sont plus susceptibles de souffrir de troubles anxieux (29 %), de dépression (10 %) et de troubles des conduites alimentaires (9 %).
Globalement, 7 % des jeunes Québécois ont reçu un diagnostic de dépression en 2022-2023 et 5 % se sont vu confirmer par un médecin qu’ils souffrent d’un trouble des conduites alimentaires.
Une tendance lourde
Ces chiffres confirment les constats de la psychologue Marie-Claude Geoffroy, professeure au Département de psychiatrie de l’Université McGill et au Centre de recherche Douglas, et chercheuse à la Chaire de recherche du Canada sur la prévention du suicide chez les jeunes.
On voit une augmentation, surtout des symptômes anxieux qui sont plus prévalents. Ça va dans le sens des chiffres qu’on observe ailleurs dans le monde, explique-t-elle. C’est bien documenté, les jeunes d’aujourd’hui vont plus rapporter de symptômes de problèmes de santé mentale. Donc ça va avec ce qu’on observe […] et avec l’augmentation de l’utilisation des services pour la détresse.
Selon la Dre Geoffroy, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène.
Ça se peut que les jeunes vivent plus de détresse qu’avant. On vit dans un monde où il se passe toutes sortes de choses, et il y a aussi eu la pandémie qui a affecté les jeunes
, note la chercheuse.
D’après l’enquête de l’ISQ, près de 41 % des élèves du secondaire considèrent que leur santé mentale s’est détériorée en raison de la pandémie.
Plus d’ouverture face à la santé mentale
D’autres hypothèses sont aussi à considérer, selon la Dre Geoffroy, pour expliquer les données de l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire.
On pourrait aussi se demander comment ces troubles-là ont été diagnostiqués
, dit-elle, avant d’invoquer une plus grande ouverture chez les jeunes au sujet de la santé mentale.
« Aujourd’hui, on en parle de plus en plus. Les jeunes ont plus de littératie aussi en santé mentale, ils vont être capables de reconnaître des symptômes de dépression, par exemple. Il y a encore du stigma, mais je pense qu’il y en a moins. Ils sont plus ouverts à en parler et à aller chercher de l’aide. »
— Dre Marie-Claude Geoffroy, professeure au Département de psychiatrie de l’Université McGill et au Centre de recherche Douglas
Néanmoins, les chiffres peuvent être jugés impressionnants et Marie-Claude Geoffroy estime qu’il est important de continuer d’investir en prévention, en recherche et dans l’accès aux services en santé mentale pour aider les jeunes.
C’est important, car les problèmes commencent à apparaître pendant l’enfance, l’adolescence et le début de l’âge adulte. C’est une période de la vie où il se passe beaucoup de choses […]. Les problèmes de santé mentale qui sont non traités et qui sont persistants à cette période de la vie, ça peut occasionner des problèmes à long terme.
En 2022-2023, environ 6 % des jeunes se sont fait prescrire des médicaments pour des symptômes d’anxiété ou de dépression (8 % chez les filles et 3,8 % chez les garçons). Pour ce qui est du TDA/TDAH, 16 % des élèves ont été médicamentés pour en traiter les symptômes (12 % des filles et 19 % des garçons).
Le climat, source d’anxiété
L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire a été réalisée auprès de 70 825 jeunes dans 483 écoles publiques ou privées, francophones ou anglophones, réparties partout au Québec. Il s’agit de la 3e édition de cette enquête, après celles de 2010-2011 et de 2016-2017.
La dernière édition présente pour la première fois l’écoanxiété comme un facteur pouvant nuire à la santé des jeunes.
Selon l’enquête, ce sentiment est bien présent chez les élèves du secondaire au Québec. En effet, 41 % d’entre eux disent en ressentir à l’occasion; 17 % en ressentent souvent et 8 % en ressentent toujours ou presque. En contrepartie, 34 % des jeunes affirment ne pas ressentir d’écoanxiété.
L’écoanxiété est davantage ressentie par les filles : 37 % d’entre elles disent en vivre souvent ou presque toujours comparativement à 14 % des garçons.
Après, Meta qui retire toutes ses nouvelles de Facebook et d’Instagram, qui fuit le projet de loi C-18, et qui, en plus, se retire à la dernière minute de la Commission, montre à quel point ils n’ont pas à cœur le bien-être de leurs utilisateurs canadiens et québécois
, croit Laurence Grondin-Robillard.
La fin de l’autoréglementation réclamée
Le Collectif Vital, une initiative de l’Association pour la santé publique du Québec, ainsi que l’organisation à vocation sociale Capsana, liée à l’Institut de cardiologie de Montréal, ont déjà été entendus dans le cadre de cette Commission spéciale, dont les travaux ont été entamés à la mi-septembre.
Les deux entités ainsi que des organismes et divers spécialistes en lien avec la santé des jeunes et les écrans souhaitaient profiter de la présence de Meta et de TikTok Canada pour passer une fois de plus leur message.
Pour eux, l’autoréglementation des géants du web ne suffit pas et le gouvernement doit s’engager à réglementer leurs pratiques.
Ils accusent ces entreprises de poursuivre leurs efforts pour rendre toujours plus attractifs leurs produits, contribuant à la croissance du temps d’écran
.
« Des actions efficaces pour protéger la santé et le bien-être des jeunes en ligne sont incompatibles avec les intérêts financiers des géants du numérique. Le gouvernement doit en être conscient et réglementer cette industrie. »
— Géna Casu, chargée de projet du Collectif Vital
Parmi les recommandations du Collectif pour mieux encadrer les pratiques des géants du web, on compte celles d’interdire aux plateformes de réseaux sociaux de proposer des flux addictifs aux personnes mineures, de restreindre les publicités en ligne basées sur leurs données personnelles et de faciliter la compréhension des paramètres de confidentialité et des conditions d’utilisation de leurs plateformes.
Un meilleur encadrement du marketing des influenceurs et influenceuses, une analyse prioritaire de contenus illicites ou préjudiciables signalés par des signaleurs de confiance
ainsi que l’affichage obligatoire sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo de messages de prévention sur la santé et le bien-être figurent aussi dans les recommandations.
Le modèle d’affaires des géants du numérique est un véritable obstacle à leur engagement visant à mieux protéger les jeunes en ligne. Il est temps qu’ils assument pleinement la part qui leur revient dans la réduction des risques associés avec l’usage de leurs produits
, insiste le PDG de Capsana, Guy Desrosiers.
Mis au courant de l’intention de Meta Canada de ne pas se présenter à la Commission lundi, Géna Casu, porte-parole du Collectif Vital, indique que l’absence de l’entreprise ne constitue pas un enjeu pour [eux]
.
« Notre priorité est claire : améliorer la santé de nos jeunes et non défendre les intérêts économiques de l’industrie. »
— Géna Casu, porte-parole du Collectif Vital
Pour Laurence Grondin-Robillard, toute cette situation montre encore une fois qu’il serait temps de légiférer et d’encadrer les réseaux sociaux au Canada
.
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