Lionel Carmant a confirmé, lundi, sur les ondes de RDI, que la directrice nationale de la DPJ, Catherine Lemay, avait démissionné de son poste dans la foulée du scandale à Cité-des-Prairies et de la mise sous tutelle de la DPJ Mauricie–Centre-du-Québec.
Ça a été une décision difficile, a reconnu le ministre responsable des Services sociaux en entrevue lundi. Mais des différences d’opinions sur les mesures à prendre dans certaines situations qui ont été déclarées récemment, dans les centres jeunesse particulièrement, ont mené à la décision.
Il a cité en exemple ce qui s’est passé à la protection de la jeunesse Mauricie–Centre-du-Québec, où Catherine Lemay avait pris des mesures administratives à la suite d’un rapport révélant une mauvaise gestion des dossiers d’enfants confiés en adoption. En lieu et place, le ministre Carmant a mis sous tutelle la DPJ Mauricie–Centre-du-Québec, le 9 octobre dernier.
Lionel Carmant a aussi cité le scandale sexuel qui secoue le centre de réadaptation Cité-des-Prairies : J’ai demandé une enquête policière en plus de l’enquête administrative [qu’avait lancée Catherine Lemay].
Selon le ministre, de grands changements de culture devront être faits dans les centres jeunesse
.
« Pour la suite des choses, je voulais quelqu’un qui était plus aligné avec ma vision des conséquences qui devront être envisagées pour les endroits où on a des problématiques. »
— Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux du Québec
Lionel Carmant a expliqué que Mme Lemay avait les pouvoirs nécessaires pour agir à titre de chien de garde de la DPJ, aller dans les centres [jeunesse] et sortir les dossiers
, grâce aux modifications qu’avait apportées le législateur à la loi.
Le ministre a poursuivi en disant que la directrice rencontrait chaque semaine les DPJ et que le gouvernement attendait d’elle, par conséquent, qu’elle lui communique l’information qu’elle recueillait. Également, Mme Lemay devait donner les directives aux DPJ locales
, et le gouvernement s’attendait à ce que ces directives soient appliquées
par ces dernières, dit Lionel Carmant.
Un rôle de chien de garde
de la DPJ
Catherine Lemay avait été nommée en mars 2021 au poste de directrice nationale de la protection de la jeunesse, une fonction née des recommandations formulées par la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ).
Mme Lemay devait entreprendre une réflexion non seulement sur les services de protection de la jeunesse, mais également sur la loi qui les encadre, ainsi que sur le rôle des tribunaux, des services sociaux et des autres acteurs concernés.
Elle était aussi responsable des volets jeunesse du ministère de la Santé et des Services sociaux et de la mise en œuvre des recommandations du rapport final de la commission spéciale, présidée par Régine Laurent.
Implication présumée du crime organisé
En ce qui a trait au centre jeunesse Cité-des-Prairies, rappelons que neuf éducatrices ont été congédiées ou suspendues pour avoir entretenu des relations sexuelles avec des jeunes, dont certains mineurs au moment des faits. Ceux-ci sont internés pour avoir commis des crimes graves, comme des meurtres, du trafic de drogue ou du proxénétisme.
Aux yeux de Lionel Carmant, l’enquête policière lancée dans ce centre jeunesse est d’une extrême importance : Non seulement y a-t-il eu abus sur des mineurs, mais, également, qu’est-ce qui explique ce système qui était clairement en place?
« Je suis pour la théorie d’un système, de quelque chose d’organisé, et ma crainte avec la conjoncture actuelle au Québec, c’est que le crime organisé soit impliqué. »
— Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux, en entrevue à Tout un matin
En entrevue, cette fois à l’émission Tout un matin sur ICI Première lundi, Lionel Carmant a dit que la possibilité qu’un système issu du crime organisé se soit installé à Cité-des-Prairies est bien réelle. C’est clair, ce n’est pas une personne, c’est neuf personnes.
« On parle d’implication des gardes de sécurité. Il faut que la police aille au fond des choses dans ce dossier-là. »
— Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux, en entrevue à Tout un matin
Le ministre a aussi lancé un appel à d’autres centres jeunesse dans le réseau, parce que des gens s’inquiètent de ce qui s’y passe, a-t-il dit. Des gens m’ont répondu et on va aller valider les faits qui m’ont été confiés par mon équipe et le ministère
, a dit M. Carmant. On verra s’il faut faire d’autres enquêtes.
Au sujet des autres centres jeunesse, le ministre n’a pas voulu décrire les situations problématiques qu’il pourrait s’y être développées. Des situations pas tout à fait similaires
à celle de Cité-des-Prairies, a-t-il néanmoins affirmé.
On va découvrir des choses à l’avenir et, là où il y aura besoin de faire des enquêtes, soyez assurés qu’il va y avoir enquête
, a-t-il déclaré.
Un suivi pour ne pas réembaucher des indésirables
Autre inquiétude pour le ministre, la perspective que des employés ayant démissionné pour manquements graves soient réembauchés ailleurs dans le réseau, une réalité qui se vit dans les réseaux de l’éducation ou encore de la santé, a-t-il admis, lundi.
« Peut-être faudra-t-il regarder la liste des gens qui ont démissionné, par exemple à Cité-des-Prairies au cours des dernières années, pour s’assurer qu’ils n’ont pas été replacés ailleurs dans le réseau. »
— Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux
Lionel Carmant dit vouloir s’assurer qu’un bon suivi est effectué de ces dossiers-là
, vu que plusieurs plaintes
ont été reçues.
Le ministre estime par ailleurs qu’un changement de culture s’impose
dans le réseau des centres jeunesse.
« L’information n’est pas partagée au niveau des gestionnaires locaux; il y a des gestionnaires locaux qui semblent se fermer les yeux. Il va falloir qu’il y ait des changements là-dessus. »
— Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux
Des pressions grandissantes sur Catherine Lemay
Pour revenir à la direction générale de la DPJ, le ministre a dit vouloir un ou une remplaçante davantage prêt à communiquer et à prendre des décisions strictes ou plus importantes quant à la gestion du changement de culture qu’on veut apporter dans nos centres jeunesse
.
Ces derniers jours, la pression devenait de plus en plus forte pour que Catherine Lemay quitte ses fonctions.
Vendredi dernier, Québec solidaire avait ajouté sa voix à celles qui réclamaient son départ. Le Parti libéral du Québec accusait aussi Lionel Carmant d’avoir perdu le contrôle
du réseau.
Des manques flagrants de communication
Le ministre Carmant n’a été informé de l’affaire explosive du centre Cité-des-Prairies qu’il y a une ou deux semaines, soit peu avant qu’elle soit rapportée par Le Devoir et La Presse. Plusieurs enquêtes, dont l’une au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, avaient pourtant été déclenchées.
Vendredi dernier, au réseau LCN, Catherine Lemay avait admis en entrevue qu’elle n’avait encore jamais visité ce centre, réputé pour accueillir des cas lourds de la DPJ.
Le scandale touchant la DPJ Mauricie–Centre-du-Québec avait été révélé par La Presse le 9 octobre dernier, et ces révélations avaient forcé le ministre Carmant à la mettre sous tutelle.
Dans cette affaire, les droits de dizaines d’enfants, ainsi que de leurs parents, ont été brimés parce que les enfants avaient été placés trop rapidement en banque mixte, sans évaluation complète. Cette mauvaise gestion des dossiers d’enfants confiés en adoption a été révélée grâce à des informations obtenues par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Avant même la réception du rapport dans cette affaire, le ministre Carmant dit croire que la situation est pire que ce qui a été signalé publiquement. Il a demandé des vérifications dans toutes les DPJ de la province pour s’assurer qu’il ne s’agit pas de problèmes généralisés.
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