Dans son rapport annuel, la directrice de santé publique de Montréal, Mylène Drouin, met en lumière qu’il y a proportionnellement plus de centres de la petite enfance (CPE) dans les quartiers mieux nantis que dans les quartiers défavorisés. Et ce n’est qu’une des inégalités vécues par les enfants montréalais.
La Dre Mylène Drouin a présenté lundi, en conférence de presse à Montréal, les grandes lignes de son rapport 2024 intitulé La santé et le développement des enfants montréalais, citoyens du monde d’aujourd’hui et de demain.
Le rapport rend compte des disparités socioéconomiques et territoriales importantes
qui persistent parmi la population d’enfants de 0 à 12 ans qui naissent et grandissent sur l’île de Montréal.
Le cas de la distribution des CPE sur le territoire montréalais est frappant et la Dre Mylène Drouin a reconnu en avoir été surprise : proportionnellement, il y en a davantage dans les quartiers favorisés que dans ceux qui le sont moins.
Or, les enfants des milieux défavorisés en ont besoin, insiste-t-elle. Le modèle CPE est celui qui, dans la littérature, a montré l’atteinte des indicateurs de qualité et, donc, les plus grands bienfaits sur le développement de l’enfant et surtout des enfants en contexte de défavorisation.
Par conséquent, il faut développer plus de services de garde selon le modèle CPE, dit la Dre Drouin. Et il faut s’assurer qu’on accompagne les services de garde privés [subventionnés ou non] pour qu’ils rehaussent la qualité de leurs services, de manière à répondre aux critères du ministère de la Famille.
Un centre de la petite enfance est un modèle d’économie sociale, dit encore la Dre Drouin. Il est composé d’un conseil d’administration qui, lui, est composé de familles, etc. C’est vraiment la communauté qui se mobilise pour avoir un CPE dans son quartier. Or, on est conscients que, dans les quartiers défavorisés, les familles sont déjà en mode survie pour essayer d’arriver : la mobilisation y est beaucoup plus difficile.
« Si on veut plus de modèles CPE, il faudra qu’on soutienne leur émergence dans les quartiers plus défavorisés, parce que ça ne va pas se faire naturellement. »
— Une citation deMylène Drouin, directrice de santé publique de Montréal
La Dre Catherine Dea, qui accompagnait Mylène Drouin lundi, affirme quant à elle que le taux d’échec à l’évaluation de la qualité éducative dans les CPE s’élève à 20 %. Dans les garderies privées [subventionnées et non subventionnées], ce taux s’élève à environ 50 %; une différence importante
et pas banale
, remarque-t-elle.
Dans le développement de la petite enfance, Montréal-Nord, Saint-Michel, Parc-Extension, Pointe-Saint-Charles et LaSalle sont les pires quartiers
, poursuit la Dre Dea. Elle nuance cette affirmation en précisant que, dans ces quartiers, la population est très mobilisée
et beaucoup d’actions y sont entreprises. Mais les défis qu’y rencontrent les familles sont plus grands.
Des inégalités évitables qui stagnent
Le rapport 2024 de la directrice de santé publique de Montréal illustre de manière générale que les disparités peuvent varier considérablement selon l’endroit où vivent les enfants et selon le groupe socioéconomique auquel ils appartiennent. Pour atténuer ces disparités, il importe d’améliorer la qualité des environnements dans les quartiers de Montréal.
Les indicateurs présentés font état d’inégalités évitables qui stagnent ou qui se sont exacerbées au cours des dernières années
, écrit la directrice de santé publique dans son rapport.
« En fait, le stress de vivre dans des conditions précaires de manière chronique entraîne même des conséquences sur la biologie de l’enfant, résultant en des effets sur la santé à court et à long terme. Les inégalités de santé qui en découlent sont évitables. »
— Une citation deLa Dre Mylène Drouin, directrice de santé publique de Montréal
Au-delà des tendances qui se dessinent grâce aux données qui sont colligées dans les régions, il faut porter une attention particulière aux données locales, recommande la Direction de santé publique de Montréal. En effet, les tendances régionales masquent souvent des variations locales importantes
.
Logement coûteux et difficultés d’intégration
Entre autres constats, la Direction de santé publique cite le fait que plus de 38 000 familles (14 %) consacrent 30 % ou plus du revenu familial à leur logement à Montréal, soit plus du double qu’ailleurs au Québec, selon le dernier recensement.
Autre statistique frappante : en 2021, 67 % des enfants montréalais de 0 à 11 ans vivaient dans une famille où au moins un des deux parents [ou le parent seul] était immigrant.
Toutefois, les enfants issus de familles immigrantes n’ont pas tous la même réalité, précise la Dre Catherine Dea. Ceux dont la famille a eu un parcours migratoire difficile ou qui doivent surmonter la barrière de la langue font face à plus de défis d’intégration, note-t-elle.
Il nous faut adapter nos services aux besoins de ces familles, dit la Dre Mylène Drouin. Plus largement, le défi va être de consulter les gens qui n’ont pas de voix
.
Avec les informations de Mathieu Papillon
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