On n’a pas vu un taux d’emploi étudiant aussi faible au Canada depuis juin 1998 — exception faite, bien entendu, de l’été pandémique de 2020 —, a rapporté vendredi Statistique Canada.
Le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans qui étaient aux études cette année et qui comptent y retourner à l’automne s’est établi, le mois dernier, à 15,9 %, ce qui représente une forte hausse par rapport à la même période l’an dernier (12,1 %). Quant à ceux qui sont parvenus à se trouver un emploi, ils étaient plus susceptibles d’avoir trouvé quelque chose à temps partiel (68,0 %) que l’an dernier (66,9 %) ou l’été d’avant (63,9 %).
Les étudiants ne sont pas les seuls. La proportion de l’ensemble de la population de 15 à 24 ans qui occupe un emploi (taux d’emploi) ne fait que reculer au Canada depuis le début de l’année dernière. Encore à 59,2 % à l’hiver 2023, elle n’était plus que de 54,8 % le mois dernier. C’est le seul groupe d’âge qui est descendu sous sa moyenne prépandémique (58,2 %), le principal groupe d’âge actif, les 25 à 54 ans, se situant encore légèrement au-dessus (83,6 %, contre une moyenne de 82,9 %), alors que les 55 à 64 ans continuent de faire bien mieux (65 %, contre une moyenne de 62,6 %).
Globalement, le nombre d’emplois est resté pratiquement le même en juin au Canada (-1400), mais comme la population n’a pas cessé de croître, le taux d’emploi a diminué pour une huitième fois au cours des neuf derniers mois. Le taux de chômage est ainsi passé de 6,2 % à 6,4 %, le mois dernier, contre 5,4 % à pareille date l’an dernier. C’est aussi une hausse de 1,6 point de pourcentage par rapport à son creux postpandémique, soit la plus forte augmentation jamais observée en dehors d’une récession.
On dénombrait 1,4 million de chômeurs le mois dernier, et parmi eux, 17,6 % l’étaient depuis au moins 27 semaines, alors que cette proportion était de 13,6 % un an plus tôt.
Les plus importantes pertes d’emplois ont été observées dans les secteurs du transport et de l’entreposage (-1,1 %), de l’administration publique (-0,7 %) et du commerce de détail (-0,3 %). Les principaux gains, eux, se sont faits du côté des services d’hébergement et de restauration (+1,5 %) et dans l’agriculture (+5,5 %).
Bond du chômage au Québec
Le taux de chômage a connu une augmentation particulièrement prononcée au Québec le mois dernier, faisant un bond de 5,1 % à 5,7 %. Il était de 4,5 % il y a un an.
Ici aussi, les jeunes de 15 à 24 ans ont vu leur situation se dégrader de façon plus marquée que les autres travailleurs. Leur taux de chômage se chiffrait à 10,3 % le mois dernier, contre 7,8 % au début de l’année.
« C’est quelque chose qu’on voit assez régulièrement dans les moments de ralentissement économique. Les jeunes vont être toujours davantage touchés, notamment parce qu’ils sont plus souvent dans des secteurs un peu plus volatils. On peut penser au commerce de détail, à la restauration, des emplois qui vont plus rapidement disparaître parce qu’on va moins consommer », a expliqué cette semaine au Devoir la directrice générale de l’Institut du Québec, Emna Braham.
Les jeunes ne sont toutefois pas les seuls au Canada à être plus touchés que la moyenne par le recul de l’emploi. C’est aussi le cas des immigrants récents et des personnes racisées. Par exemple, la moyenne mobile du taux de chômage des personnes noires du principal groupe d’âge actif (25 à 54 ans) a bondi de 7,5 % à 11,9 % en l’espace de seulement un an, tandis que celle des Canadiens non racisés et non autochtones a à peine augmenté, passant de 3,5 % à 3,8 %.
Outre l’augmentation de la population qui va plus vite que la création d’emplois en raison, notamment, de la forte hausse de l’immigration, ces tendances reflètent une baisse de régime de l’économie induite par deux ans de hausses des taux d’intérêt de la Banque du Canada dans sa lutte contre l’inflation, ont rappelé dans une brève analyse vendredi Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme, économistes à la Banque Nationale. « Comme la politique monétaire restrictive continuera à limiter la croissance économique dans les mois à venir, nous nous attendons à ce que le taux de chômage maintienne sa tendance à la hausse vers 7 % d’ici la fin de l’année. »
Les taux d’intérêt
S’estimant en bonne voie de ramener l’inflation à sa cible de 2 %, la banque centrale canadienne a procédé, le mois dernier, à une première baisse de son taux directeur depuis la pandémie de COVID-19, de 0,25 point de pourcentage. Aujourd’hui à 4,75 %, ce taux continue cependant à freiner la consommation des ménages et les investissements des entreprises.
Les tendances dans le marché de l’emploi justifieraient une autre baisse d’un quart de point de pourcentage des taux de la Banque du Canada à sa réunion prévue à la fin du mois, estime l’économiste au Mouvement Desjardins Marc Desormeaux.
L’économiste Douglas Porter pense toutefois que l’institution attendra le mois de septembre avant de récidiver, notamment parce que la rémunération des travailleurs continue d’augmenter plus vite que l’inflation. En effet, la hausse annuelle du salaire horaire moyen des employés était de 5,4 % le mois dernier au Canada et de 4,9 % au Québec, comparativement à une hausse de l’indice des prix à la consommation en mai de 2,9 %.
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