Mélanie Carpentier, diplômée de la Faculté de l’éducation permanente et de l’Université de Montréal, crée une bourse à la persévérance de 2 500 $ pour les étudiantes et étudiants provenant d’un groupe marginalisé et ayant un parcours atypique, à l’image de son propre cheminement. Par ce geste généreux, elle « redonne au suivant » et souligne combien l’Université de Montréal l’a formée mais aussi accompagnée à chaque étape de sa carrière. Portrait d’une criminologue passionnée et reconnaissante envers son alma mater.
Quand on rencontre Mélanie Carpentier, c’est tout d’abord son énergie et sa générosité qui vous sautent aux yeux. On découvre ensuite une criminologue passionnée et dévouée. On sent très vite qu’elle a été une étudiante déterminée, courageuse, intelligente. Résiliente aussi, car sa vie parsemée d’embûches l’a longtemps menée loin des sentiers de l’université. Enfin, on entrevoit une femme humble, débordant d’amour pour son prochain, qui est toujours prête à aider et à redonner au suivant.
Elle crée d’ailleurs, plusieurs années après l’obtention de son diplôme à la Faculté de l’éducation permanente (FEP), le Fonds de bourses Mélanie Carpentier. Ce fonds attribuera une bourse annuelle de 2 500 $ à un étudiant ou une étudiante inscrit(e) à un troisième certificat de la FEP et donc en voie d’obtenir un baccalauréat par cumul, et qui provient d’un groupe marginalisé et ayant un parcours scolaire atypique. Cette bourse soulignera la persévérance et la réussite étudiante nonobstant les résultats académiques.
La création de cette bourse est loin d’être la seule implication de Mélanie Carpentier au service de la société. La Faculté de l’éducation permanente l’a d’ailleurs nommée diplômée d’honneur pour souligner son parcours inspirant et sa contribution à la société lors de la Collation des grades 2024.
Un parcours d’études atypique
Le chemin de Mme Carpentier a été long jusqu’à l’université. « Je viens d’un milieu qui ne valorisait pas les études, un milieu très marginalisé » explique-t-elle. Certes, les études la fascinent, mais la jeune femme finit par arrêter en secondaire 5. À 19 ans, elle tombe enceinte de son fils. « J’ai vécu cette grossesse comme un cadeau, même si je savais que ça allait être difficile de l’élever seule. Une chose est sûre, c’est que je voulais lui donner un avenir » partage-t-elle.
C’est à l’église que sa vie prend un tournant qui changera sa vie : une amie lui conseille de s’inscrire à l’université. Mélanie Carpentier demeure incrédule et pense qu’elle n’a aucune chance dans la mesure où elle n’a pas terminé le secondaire. Pourtant, elle réussit à être admise au certificat en immigration et relations interethniques de l’Université du Québec à Montréal. Son fils a alors sept ans.
« En découvrant l’université, je suis tombée en amour avec l’esprit critique, la profondeur des connaissances, chaque enseignant(e) m’impressionnait. Je partais de très loin ! Je n’avais même pas le vocabulaire universitaire de base pour échanger avec les chargé(e)s de cours. Cela a été une aventure. J’avais soif d’en savoir toujours plus » confie-t-elle.
Coup de cœur pour la Faculté de l’éducation permanente et l’Université de Montréal
Après son premier certificat, elle s’inscrit au certificat en intervention auprès des jeunes à la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal, et là, c’est le coup de cœur. « J’ai dit : je ne pars plus d’ici ! Et j’ai accumulé les diplômes » explique en riant Mme Carpentier. « En plus de m’apporter des compétences, ce certificat m’a permis de comprendre des traumatismes de ma propre jeunesse ». Elle s’inscrit ensuite au certificat en criminologie, toujours à la FEP.
« Je suis complètement tombée en amour avec la criminologie. Ça m’a aidée à voir l’humain derrière le délit, à pardonner, à évoluer. J’ai fait des rencontres incroyables parmi les chargé(e)s de cours qui m’ont tous et toutes beaucoup soutenue » partage Mélanie Carpentier. « D’ailleurs j’ai trouvé toute l’équipe de la FEP chaleureuse et accueillante. C’est comme si on me disait « peu importe ce que tu as vécu dans ta vie, étudie et tu réussiras à faire ce que tu veux ».
Elle poursuit : « La multidisciplinarité de la FEP m’a permis de me former sur plusieurs sujets et de déterminer ce vers quoi je voulais aller. J’ai trouvé ça vraiment intéressant de moduler mon baccalauréat en fonction de la carrière que je voulais. C’est vraiment un avantage. Mes études à la FEP m’ont offert beaucoup d’opportunités professionnelles, mais c’est aussi là que je me suis fait mon réseau professionnel, et surtout un réseau d’ami(e)s. Mes ami(e)s les plus proches, je les ai rencontré(e)s à la FEP ».
Comme tous les parents monoparentaux qui travaillent et qui retournent aux études, l’équilibre est délicat à maintenir, mais elle tient bon. « Mon fils jouait au football et je me rappelle que j’allais en cours, puis j’allais faire mon quart de travail en tant qu’intervenante, puis j’allais porter mon fils chez le coach à l’autre bout de la ville, je faisais une petite sieste dans l’auto et j’allais sur le terrain encourager mon fils. Et je vous assure que je criais plus fort que les autres parents ! C’était ma façon de montrer à mon fils combien j’étais fière de lui » se souvient la maman qui est aujourd’hui un modèle de réussite pour son fils.
Une carrière prometteuse
Le cumul de ses trois certificats lui permet d’obtenir le grade de bachelière et lui ouvre la voie d’une carrière prometteuse : éducatrice dans un centre jeunesse, elle a également travaillé à la DPJ (Direction de la Protection de la Jeunesse), auprès de personnes en situation d’itinérance, en santé mentale, en dépendance, jusqu’à devenir aujourd’hui criminologue au sein d’une équipe santé mentale-justice. Elle a également été la fondatrice et directrice de La Maison de Mélanie, un organisme qui a aidé les victimes d’exploitation sexuelle jusqu’en 2019, et l’autrice de plusieurs livres dont son autobiographie et Inacceptable, un projet de recherches visant à faire savoir pourquoi les victimes d’exploitation sexuelle retournent dans l’industrie après avoir été libérées de leur proxénète.
Cette carrière lui vaut de recevoir la médaille d’honneur du Sénat canadien, en reconnaissance de son service rendu à la société canadienne au travers de son travail avec les personnes exploitées sexuellement. En parallèle de sa carrière, elle ne s’arrête jamais vraiment d’étudier. Déjà bachelière, elle poursuit ses études et obtient en 2017 un certificat en victimologie à la FEP, suit quelques cours en gestion philanthropique à HEC Montréal et obtient un deuxième baccalauréat en 2021, en criminologie, à la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal.
« Je n’ai pas eu la chance d’avoir d’encouragements de mon entourage quand je suis entrée à l’université. Pour moi, c’était l’opportunité de reprendre le pouvoir sur ma vie, de connaître mes droits, d’apprendre à me défendre, d’être en mesure d’aider mon prochain, d’être une intervenante avisée » partage Mme Carpentier.
Une bourse en persévérance pour redonner au suivant
Si Mélanie Carpentier tient aujourd’hui à « redonner au suivant » en créant une bourse à la persévérance pour les étudiantes et étudiants de la FEP, c’est parce qu’elle a elle-même bénéficié d’une des nombreuses bourses d’études en persévérance et implication sociale de l’Université de Montréal. « Recevoir ma bourse a été pour moi une tape dans le dos, un encouragement. Je souhaite à mon tour donner cette tape dans le dos à d’autres étudiantes et étudiants pour qui ça n’a pas été facile. Il était important pour moi de ne pas conditionner cette bourse à des notes exceptionnelles, parce que, pour quelqu’un qui est en survie, ou pour qui les études représentent une dernière chance, c’est difficile d’avoir des notes exceptionnelles. Pourtant leur mérite n’en est pas moindre et il faut les encourager. L’université a changé ma vie et je veux contribuer à changer la vie d’autres personnes. C’est la moindre des choses » partage humblement Mélanie.
« Pour moi, l’Université de Montréal ne fait pas qu’enseigner. Elle m’a accompagnée à chaque étape de ma carrière » poursuit-elle. Cet attachement à son alma mater est la raison pour laquelle elle s’investit auprès de l’Université de Montréal et de la Faculté de l’éducation permanente. « J’ai deux fiertés dans ma vie : mon fils et la création de cette bourse pour les prochaines générations » confie-t-elle, émue.
Quand on l’interroge sur ses projets d’avenir, Mélanie Carpentier partage ses nombreux rêves, toujours en lien avec l’intervention sociale et l’amélioration du système judiciaire. Elle prévoit notamment d’écrire un livre sur la réinsertion sociale des personnes judiciarisées. « Je m’interroge beaucoup sur le fonctionnement du système judiciaire, sur la façon dont on peut aider les gens à progresser. Si on place les victimes dans un système dont elles ne peuvent plus jamais sortir, on a échoué en tant que société. Or cela arrive encore trop souvent. Les centres de détention ne sont pas représentatifs de la criminalité, mais de la détresse humaine » analyse-t-elle.
Demeurer dans la gratitude et continuer d’être dans l’action : un leitmotiv dont elle peut être fière.
À lire aussi