Après plusieurs contretemps, la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes (CSESJ) devait finalement entendre Meta Canada à Québec, lundi prochain. Or, un porte-parole de l’entreprise a confirmé à Radio-Canada que le géant numérique brillerait par son absence. La séance a finalement été annulée mercredi soir.
Une conseillère en communications rattachée à la Commission spéciale, Béatrice Zacharie, avait d’abord affirmé que l’audition publique de Meta Canada [était] toujours à l’horaire de la séance du 25 novembre 2024
, alors que l’Assemblée nationale ne semblait pas avoir été mise au courant du retrait de la filiale canadienne du géant numérique.
Mercredi en soirée, le site de l’Assemblée nationale a été mis à jour, indiquant que la séance prévue pour lundi était annulée. La Commission est toujours en discussion avec les représentants de Meta Canada
, a assuré Béatrice Zacharie.
Meta Canada ne fera pas de commentaire à ce sujet
, a indiqué un porte-parole de l’entreprise, maison mère de Facebook et d’Instagram.
À la fin de septembre, La Presse Canadienne avait révélé que TikTok Canada et Meta Canada se désistaient de la Commission. Quelques jours plus tôt, Instagram annonçait de nouvelles balises pour les adolescents, et plus de contrôle pour les parents sur la plateforme.
Les deux géants des réseaux sociaux devaient finalement être entendus à la fin d’octobre, mais leur audition avait été reportée au 25 novembre. Les raisons de ce report n’ont pas été dévoilées, l’Assemblée nationale affirmant que cela relève de sa régie interne
.
Et TikTok Canada?
TikTok Canada devait aussi être présente lundi, mais la filiale de ByteDance au pays s’est retirée de l’horaire en raison de l’ordonnance d’Ottawa de liquider cette branche canadienne au début de novembre, le gouvernement fédéral évoquant des risques pour la sécurité nationale
.
« C’est un bon exemple de ce pourquoi nous avons besoin d’une équipe locale de TikTok. »
— Une citation deUne porte-parole de TikTok Canada
Il est essentiel d’avoir une présence locale pour répondre efficacement aux régulateurs et pour participer aux enjeux importants pour les utilisateurs canadiens. Nous espérons que la Commission partage ce point de vue et qu’elle transmettra cette préoccupation à ses homologues fédéraux
, a ajouté, par voie de communiqué, une porte-parole de TikTok Canada.
Un argumentaire que réfute Laurence Grondin-Robillard, doctorante et professeure associée à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) : On aurait pu convoquer quelqu’un d’autre de chez TikTok ou ByteDance. Ça s’est déjà vu. Le PDG de ByteDance s’était rendu de Singapour aux États-Unis pour parler en Chambre.
Dans le contexte où TikTok Canada se désiste, Meta n’a aucun avantage à y aller, car toute l’attention serait sur ses plateformes plutôt que d’être partagée
, croit la spécialiste en réseaux sociaux. Avant, l’entreprise ne perdait rien à se dire qu’elle allait se présenter à la Commission parce que TikTok, de toute façon, est pire
et a moins bonne presse en ce moment, dit-elle.
Après, Meta qui retire toutes ses nouvelles de Facebook et d’Instagram, qui fuit le projet de loi C-18, et qui, en plus, se retire à la dernière minute de la Commission, montre à quel point ils n’ont pas à cœur le bien-être de leurs utilisateurs canadiens et québécois
, croit Laurence Grondin-Robillard.
La fin de l’autoréglementation réclamée
Le Collectif Vital, une initiative de l’Association pour la santé publique du Québec, ainsi que l’organisation à vocation sociale Capsana, liée à l’Institut de cardiologie de Montréal, ont déjà été entendus dans le cadre de cette Commission spéciale, dont les travaux ont été entamés à la mi-septembre.
Les deux entités ainsi que des organismes et divers spécialistes en lien avec la santé des jeunes et les écrans souhaitaient profiter de la présence de Meta et de TikTok Canada pour passer une fois de plus leur message.
Pour eux, l’autoréglementation des géants du web ne suffit pas et le gouvernement doit s’engager à réglementer leurs pratiques.
Ils accusent ces entreprises de poursuivre leurs efforts pour rendre toujours plus attractifs leurs produits, contribuant à la croissance du temps d’écran
.
« Des actions efficaces pour protéger la santé et le bien-être des jeunes en ligne sont incompatibles avec les intérêts financiers des géants du numérique. Le gouvernement doit en être conscient et réglementer cette industrie. »
— Géna Casu, chargée de projet du Collectif Vital
Parmi les recommandations du Collectif pour mieux encadrer les pratiques des géants du web, on compte celles d’interdire aux plateformes de réseaux sociaux de proposer des flux addictifs aux personnes mineures, de restreindre les publicités en ligne basées sur leurs données personnelles et de faciliter la compréhension des paramètres de confidentialité et des conditions d’utilisation de leurs plateformes.
Un meilleur encadrement du marketing des influenceurs et influenceuses, une analyse prioritaire de contenus illicites ou préjudiciables signalés par des signaleurs de confiance
ainsi que l’affichage obligatoire sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo de messages de prévention sur la santé et le bien-être figurent aussi dans les recommandations.
Le modèle d’affaires des géants du numérique est un véritable obstacle à leur engagement visant à mieux protéger les jeunes en ligne. Il est temps qu’ils assument pleinement la part qui leur revient dans la réduction des risques associés avec l’usage de leurs produits
, insiste le PDG de Capsana, Guy Desrosiers.
Mis au courant de l’intention de Meta Canada de ne pas se présenter à la Commission lundi, Géna Casu, porte-parole du Collectif Vital, indique que l’absence de l’entreprise ne constitue pas un enjeu pour [eux]
.
« Notre priorité est claire : améliorer la santé de nos jeunes et non défendre les intérêts économiques de l’industrie. »
— Géna Casu, porte-parole du Collectif Vital
Pour Laurence Grondin-Robillard, toute cette situation montre encore une fois qu’il serait temps de légiférer et d’encadrer les réseaux sociaux au Canada
.
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