Les prestataires sans diplôme d’études secondaires se verront offrir un supplément pour retourner à l’école.
Le gouvernement Legault va moderniser les programmes qui offrent une aide de dernier recours aux quelque 300 000 Québécois qui comptent sur le soutien financier de l’État pour subvenir à leurs besoins. Les prestations, cela dit, resteront grosso modo les mêmes.
Le projet de loi 71 (Nouvelle fenêtre), qui vise à améliorer l’accompagnement des personnes et à simplifier le régime d’assistance sociale, a été présenté mercredi matin à l’Assemblée nationale. Il s’agit dans les faits d’une importante réforme promise depuis longtemps par la ministre Chantal Rouleau, qui devait à l’origine être déposée l’an dernier.
La pièce législative prévoit notamment de fusionner le Programme d’aide sociale et le Programme de solidarité sociale en vue de créer un Programme d’aide financière de dernier recours.
Concrètement, son adoption permettra d’accorder un supplément pour les études menant à l’obtention d’un DES et une prime à la diplomation – un incitatif qui, selon Mme Rouleau, aura pour effet de favoriser l’intégration en emploi des 40 % de prestataires qui n’ont pas terminé leur secondaire.
En outre, les jeunes adultes qui ne vivent plus chez leurs parents pourront toucher des prestations sans que les revenus de ces derniers soient pris en considération dans le calcul du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.
« On propose de passer d’un régime punitif à un régime plus humain, plus simple et plus propice à un retour vers l’emploi. Différents volets du régime ne correspondent plus à la réalité d’aujourd’hui, et nous avons l’intention d’y remédier. »
– Chantal Rouleau, ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire
Le projet de loi 71 – le premier à être présenté par Chantal Rouleau depuis qu’elle est devenue ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, en 2022 – fait suite au dépôt du Plan d’action gouvernemental pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, en juin dernier.Les prestataires qui vivent en couple, cela dit, continueront de voir leurs chèques amputés, et ce, même si des groupes plaident depuis longtemps qu’une telle règle constitue une injustice.
Questionnée sur le sujet en conférence de presse, la ministre Rouleau a fait valoir que les conjoints se devaient mutuellement assistance et qu’il était possible pour eux de faire des économies d’échelle en épargnant, par exemple, sur le panier d’épicerie.
Elle a également précisé que le projet de loi 71 prévoyait de verser à chaque conjoint la part de la prestation de la famille qui lui revient, utilisant la formule un adulte, un chèque. Ces sommes, cela dit, ne seront pas bonifiées pour autant.
Au Québec, le montant de base de l’aide sociale s’élève à 807 $ par mois. Certaines personnes peuvent également bénéficier de suppléments en raison de contraintes liées à l’emploi, par exemple.
Les aînés, réputés par défaut aptes à travailler?
Le projet de loi 71 propose d’ouvrir le Programme objectif emploi aux personnes qui demandent à nouveau l’aide financière de dernier recours. Présentement, ce programme est réservé aux « primo-demandeurs », c’est-à-dire ceux qui en font la demande pour la première fois, a expliqué Chantal Rouleau.
« On a aussi l’intention de remplacer les notions de contraintes à l’emploi par des notions de contraintes de santé », a indiqué la ministre. « Par exemple, en ce moment, avoir 58 ans, c’est une contrainte à l’emploi », a-t-elle illustré, laissant entendre que l’âge à lui seul ne sera dorénavant plus un critère.
La réforme présentée par Chantal Rouleau mercredi permettrait d’ailleurs à d’autres professionnels de la santé, pas seulement aux médecins, de reconnaître les contraintes physiques et psychosociales des personnes.
Ces dispositions, qui touchent au Code des professions, seront toutefois précisées dans une autre pièce législative, soit le projet de loi 67, présenté en juin dernier par la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, et qui, selon Mme Rouleau, « sera sans doute adopté prochainement ».
Hasard ou coïncidence, l’opposition libérale a déposé mercredi à l’Assemblée nationale une pétition signée par plus de 5200 personnes réclamant des changements à la liste des diagnostics évidents permettant un accès accéléré au Programme de solidarité sociale.
Les signataires demandent au gouvernement d’y inclure les diagnostics d’autisme, de schizophrénie et de bipolarité qui, disent-ils, ont disparu de ladite liste en 2022.
Ce document, a rappelé la principale intéressée mercredi, vise notamment à aller chercher 50 000 personnes et [à] les amener vers l’emploi.
La réforme présentée mercredi sera mise en œuvre à coût nul, a assuré Mme Rouleau en conférence de presse.
Le régime d’assistance sociale coûte 3,3 milliards de dollars par année aux contribuables québécois.
Moins de prestataires qu’il y a 20 ans, mais plus de demandeurs d’asile
Le portrait de ces prestataires a toutefois beaucoup changé dans les deux dernières décennies. De 2004 à 2024, leur nombre a diminué de 26,7 %, selon des documents fournis mercredi par Québec.
En juin dernier, 288 556 adultes bénéficiaient de l’assistance sociale au Québec, contre 393 797 adultes 20 ans plus tôt.
Les demandeurs d’asile, par contre, sont de plus en plus nombreux à recourir à l’assistance sociale. Ceux-ci représentent actuellement 20 % des bénéficiaires, selon les chiffres présentés mercredi par le ministère de Chantal Rouleau, qui a estimé à 50 millions de dollars par mois le coût des prestations versées à ces migrants.
Le projet de loi 71 ne prévoit aucune mesure visant spécialement les demandeurs d’asile. Mais Québec poursuit ses négociations avec Ottawa à ce sujet, notamment dans le but d’accélérer la délivrance des permis de travail, a assuré Mme Rouleau, qui a souligné que ce dossier relevait dorénavant du ministre Jean-François Roberge.
« Les demandeurs d’asile sont sur l’aide sociale environ 11 mois, le temps d’obtenir les permis adéquats, a-t-elle expliqué. On voudrait que ce temps soit réduit. »
La réforme a été présentée mercredi par la ministre Rouleau comme la plus importante en 20 ans, bien que des ajustements aient été apportés durant cette période, notamment par le gouvernement de Philippe Couillard, qui avait resserré certaines dispositions régissant l’aide sociale et créé le Programme objectif emploi.
Des consultations particulières devraient être organisées avant que le projet de loi ne fasse l’objet d’une étude détaillée en commission parlementaire.
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