Julie Mareschal, Cégep François-Xavier-Garneau
Martin Goyette, CRÉVAJ, ENAP
Patrice LeBlanc, UQAT
Nicole Gallant, INRS – Urbanisation, Culture, Société
Madeleine Gauthier, INRS – Urbanisation, Culture, Société
Elizabeth Greissler, Université de Montréal
Jean-Louis Paré, UQTR
Éric Richard, Campus Notre-Dame-de-Foy
Stéphanie Garneau, Université d’Ottawa
Marc Molgat, Université d’Ottawa
Diane Farmer, University of Toronto
Valérie Becquet, Université Cergy-Pontoise
Vincenzo Cicchelli, Université Paris-Descartes
Jorge Benedicto, UNED, Espagne, INRS UCS
Annalisa Lendaro, CREVAJ, ENAP, LEST CNRS
Michele Altomonte, Università degli Studi di Torino

« Engagez-vous, qu’y disaient »

Les jeunes sont apathiques, passifs, matérialistes, individualistes, narcissiques et se sont
désengagés de la politique. Voici ce qu’on reproche aux jeunes depuis tant d’années.
À Baie Saint-Paul, se tenait du 24 au 27 avril un colloque portant sur l’engagement des jeunes
dans les diverses sphères de leur vie. Ce colloque réunissait plusieurs spécialistes internationaux
de la jeunesse, du travail, de l’éducation et des politiques publiques à l’endroit des jeunes et
avait pour but de circonscrire les diverses manières, voire les nouvelles manières, qu’ont les
jeunes de s’engager. Les événements qui se sont produits pendant notre réunion de recherche
nous ont vivement incités à nous positionner publiquement sur le mouvement étudiant et le
conflit social dont est actuellement témoin la société québécoise.

S’engager pour une cause commune

En sociologie politique, l’engagement se définit comme la participation à une action collective
en vue de revendiquer, de promouvoir ou de défendre une cause commune. L’engagement peut
prendre plusieurs formes, y compris celles de la résistance et de la contestation. Tenter de
comprendre l’engagement, on l’aura compris, c’est aussi nous pencher sur la manière dont une
société, à commencer par son gouvernement, participe à la construction de l’engagement (ou
du non-engagement) des jeunes.
Malgré les gaz lacrymogènes, les injonctions et les arrestations massives, nos jeunes soidisant
« apathiques » ont osé depuis plusieurs semaines prendre la parole publiquement afin de
proposer une autre vision de la société. Ces étudiants font le choix d’insister sur l’importance
d’un service public qui demeure accessible pour tous, au prix de leur intérêt personnel immédiat
(risque du report de l’obtention d’un diplôme, perte d’un emploi d’été, etc.). Ils le font un peu
pour eux, mais surtout pour les étudiants qui leur succéderont. Il y avait longtemps que nous
n’avions assisté à une mobilisation collective de jeunes d’une telle ampleur au Québec. La
société québécoise devrait être soulagée de voir une jeunesse aussi politisée et aussi engagée.

Un déni de reconnaissance

Mais que récolte actuellement cette jeunesse engagée? Un déni de reconnaissance de la part du
gouvernement. L’État refuse de les écouter, de les entendre, de les voir. Pire, il fait preuve de
mépris en judiciarisant un conflit de nature sociale et en poussant l’odieux jusqu’à faire de
l’humour à leurs dépens. Bref, les étudiants ne sont pas pris au sérieux. On ne les considère pas
comme des acteurs sociaux et des interlocuteurs valables comme les autres, probablement
parce qu’ils sont jeunes et ne parlent pas le même langage politique que leurs décideurs. Cette
attitude condescendante et provocante, où il n’est fait aucun effort pour comprendre le sens et
les formes de leur participation politique, risque ou bien de les démobiliser et de les rendre
apathiques pour de vrai, ou bien d’encourager à la révolte.

La « désobéissance civile » comme engagement?

Certains esprits réducteurs seront tentés de nous accuser d’encourager la crise en ne dénonçant
pas ouvertement les quelques actes de désobéissance civile auxquels nous avons pu assister.
Ces actions, que d’aucuns considèrent illégitimes, sont à être resituées dans le contexte dépeint
plus haut. Quel engagement politique peut-on espérer des jeunes lorsqu’on ne prend pas leur
parole au sérieux? Est-il si surprenant que, quand on ne semble pas être entendu, on cherche à
parler de plus en plus fort, à crier? On ne peut penser la résistance et la contestation, ni leur
traduction en actes, sans penser également le pouvoir qui leur fait face. Avant de condamner les
contestations étudiantes, ne devrions-nous pas examiner la manière dont le gouvernement a
traité les étudiants et leurs revendications depuis le début?

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